Mes premières palmes… peu académiques !
Un peu de souvenirs de la part de l'ancien Scaph’.
Dès l'âge de 7 ans, mes parents décidèrent que je devais apprendre à nager.
Je fus donc confié à un maître nageur, suspendu dans un harnais sous une potence, juste immergé et mis en devoir, énergiquement, de pratiquer le mouvement de la grenouille.
Cela allait durer 7 années sans aucune amélioration. Sorti du harnais je me noyais.
À 14 ans, j'ai eu la chance de rencontrer un professeur de gymnastique qui se chargeait des cas difficiles. Nous étions trois dans le petit bassin de la piscine Ledru-rollin. Payant d'exemplarité, ce qui n'avait pas été le cas auparavant, il se mit à nos côtés et s'allongeant sur l'eau d'une légère poussée des pieds il fit ce qu'il appelait « une coulée »
Appuyant sa démonstration d'un :
- Je l'ai fait, vous pouvez en faire autant
C'était simple, mais convaincant. Devant une telle évidence, je mis en pratique le principe d'Archimède. Ce qui me réussit si bien que, deux mois après, j'achetais ma première paire de palme, des Champions, dans un magasin d’article sportifs, voisin.
L'année suivante, j'étais en Corse pour y faire de la chasse sous-marine.
Cela allait me passionner la vie entière, jusqu'à la fin de mes activités subaquatiques. Entre-temps, de plus en plus adepte du milieu sous-marin, j'allais devenir scaphandrier, c’est-à-dire plongeur professionnel en 1953.Belle époque ! J'avais 20 ans !
Mais avec quel matériel pouvais-je me livrer à des exploits cynégétiques.
Il y en avait peu. De nombreux inventeurs, se prenaient pour Léonard de Vinci, et ne réussissaient pas mieux, que ce soit disant grand homme, pour pénétrer les profondeurs. Ces Géotrouvetouts nous auraient envoyés au fond de la mer avec bien peu de chance de
refaire surface. L'un d'entre eux, qui proposait un tuyau de jardin de 10 mètres, fixé sur un bout de liège en surface, ne clamait-il pas :
- Plongez à 20.000 lieux sous les mers avec mon tuyauscaph', vous n'en reviendrez pas !
Une vérité criante ! En voilà un, je le souligne volontiers, qui ne trompait pas son monde.
Il avait d'ailleurs copié cette idée sur les manuscrits de Léonard de Vinci, cet italien célèbre, cité plus haut, protégé par François 1er qui lui demandait de lui fabriquer des filtres d'amour. Domaine dans lequel ce grand roi, amateur du beau sexe, se distinguait pompeusement.
Les filtres en question ne prouvaient pas plus leur efficacité que le tuyau que Léonard fixait sur la tête du plongeur. Il faudra attendre la pilule bleue actuelle pour, paraît t-il, avoir des résultats probants. Encore heureux que l'on n'en attribue pas les vertus à notre Léonard.
On a bien dit de lui qu'il avait inventé les palmes de plongée, ce qui est faux ! Archi faux ! Il a inventé des gants natatoires qui n'ont servi à personne et des griffes au bout des doigts de pied. On est loin de la nage delphinoïde en vogue actuellement. Je m'éloigne...
En matière de nage je venais donc de débuter avec les palmes triangulaires de marque Champion bleues.
Elles furent suivies des palmes Propuls vertes dites savonnettes. Non à cause de leur couleur pouvant s'apparenter à celle d'un savon d'une grande marque de l'époque, mais tout simplement parce qu'elles vous tenaient mal aux pieds. Leur forme aérodynamique certes, vous procurait un avancement natatoire certain, mais vous faisait valser les chevilles dans tous les sens.
Ensuite, exit les Propuls, devant l'arrivée des Cressi-Rondine. Là, c'était tout autre chose. Très chaussante, enfermant bien le début de la cheville, elle avait en plus cet angle d'attaque qui sera largement retenu par la suite. Mais là, c'étaient les premières.
D’ailleurs, je vois que les palmes Cressi actuelles continuent à ressembler furieusement à leurs ancêtres. Par la suite, sont venues des palmes modernes. Surtout, les jet-fins à tuyères de mon ami Georges Beuchat. Il disait qu'elles étaient, à juste titre
- Souvent copiées, jamais égalées...
Palmes Jet-Fins de mon ami Georges Beuchat
Dans ces temps antiques, nous avions aussi à trouver un masque. Pour la plupart d’entre nous, ce fut le Squale de l'ami Paul Dubois. Il le fabriquait en série à Sanary depuis le dépôt de son brevet en décembre 1944. C'était le meilleur et le mieux adapté, il l'est encore.
Pour le tuba, chacun y allait de son choix finissant toujours sur le modèle courant de l'embout sur un tube de plastique recourbé aux deux bouts. Certains étaient pourvus, à leur extrémité d'une cage en caoutchouc, enfermant une balle de ping-pong faisant office de valve de fermeture. C'était encombrant, peu efficace, mais un excellent argument de vente.
Enfin pour pratiquer la chasse sous-marine, il fallait une arbalète. Le choix était vaste, nombre de marques s'étant mis en tête de produire le fin du fin en la matière. Le temps des débuts, dans les années trente du lance-pierres sous-marin tirant des tringles à rideaux ou des baleines de parapluie était largement dépassé.
Mon premier engin fut une arbalète Tarzan, c’est-à-dire Beuchat. Lui, un vrai chasseur, il avait fait au mieux et au plus simple.
Ensuite vint l'arbalète que j'ai longtemps utilisée, alors que je pratiquais des prélèvements ichtyologiques autour de Porquerolles. C'était encore la marque Cressi qui me l'a fournie.
Sa conception en était pour le moins originale. Il s'agissait d'un long fut en aluminium vert ou bleu dans lequel il y avait deux sandows en caoutchouc demi-circulaires. La flèche était enfoncée au milieu jusqu'à l'extrémité ou un cran la retenait.
Une simple tige aboutissant à la détente la verrouillait.
C'était souple, silencieux et très précis. Ce n'était pas très puissant.
Il en fut de même avec un Douglas Baby, de belle facture, en aluminium métallisé bleu. Celui-là était néanmoins, un peu bruyant à cause de son ressort.
Avec toutes ces armes, il fallait s’approcher assez prêt de la cible retenue, mais cela, je savais le faire. Ce qui condamna la gente poissonnière à être souvent invitée à notre table.
Mais attention, jamais plus que ce dont nous avions besoin pour passer un bon moment avec quelques paires d’amis.
*Le matériel décrit ci-dessus, fait partie des collections du Musée Frédéric Dumas.
Pour que vous ne restiez par sur votre faim, voir ci dessous comment il était possible, même avec ce matériel ancien, de combler la nôtre...